L’homosexualité en questions
Certaines questions sont fréquentes, nous tâchons d’en répertorier quelques-unes et nous avons tenté d’y apporter une première réponse.
L’homosexualité est-elle un choix ?
Comment s’accepter ?
Dois-je en parler à mon entourage ?
Puis-je aimer en vérité une personne de même sexe ?
Peut-on vivre en couple homosexuel ?
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L’homosexualité est-elle un choix ?
Non, l’homosexualité n’est pas un choix. Mais une précision est nécessaire : le mot « homosexualité » est ambigu, en ce sens qu’il revêt couramment deux sens : celui d’orientation sexuelle et celui de pratique sexuelle.
Un comportement, une pratique dépendent de notre volonté. Certes, notre volonté est parfois entravée bien plus que nous ne le souhaiterions et notre liberté amoindrie, mais le choix et la manière de vivre notre homosexualité – ou non – existent.
Autre chose est l’orientation sexuelle : qu’elle soit hétérosexuelle ou homosexuelle, elle s’impose à nous. Les explications sur son origine font l’objet de débats, on l’a vu. Mais d’où que vienne cette orientation, la personne qui se découvre homosexuelle n’a généralement pas prise sur elle, hormis dans quelques cas très rares.
Cette découverte est la plupart du temps un choc. Comment accepter l’éventualité de ne pas être accueilli par sa famille, de devoir porter un masque, de ne pas avoir d’enfants, d’être confronté à des discriminations sociales, et, pour un chrétien qui se veut fidèle à l’enseignement strict de l’Église, de ne jamais avoir droit à la tendresse d’un être aimé ? Personne ne saurait choisir une telle orientation.
En réalité, la plupart du temps, ce ne sont pas les personnes homosexuelles qui se posent la question du choix : elles connaissent généralement la réponse. Ce sont plutôt les proches, les autres qui pensent qu’il y a un « choix ». Ainsi, pensant que leur enfant a librement choisi son orientation homosexuelle, des parents feront pression sur lui pour qu’il change, des chrétiens porteront un jugement négatif sur la « moralité » d’une personne homosexuelle et lui feront plus ou moins bon accueil, les responsables de jeunes éviteront de confier des enfants à des personnes homosexuelles pour ne pas influencer leur orientation sexuelle.
Pour éviter de telles méprises, l’Église a pris soin de préciser dans le Catéchisme que celles et ceux qui ont des tendances homosexuelles ne choisissent pas leur condition (§ 2358).
Comment s’accepter ?
L’homosexualité, on l’a vu, n’est pas un choix, mais une réalité qui s’impose. Pour autant, la question du choix se pose à moment ou à un autre : si je n’ai pas choisi d’être homosexuel, je peux accueillir cette orientation affective. C’est là toute la question de l’acceptation. Un travail plus ou moins long commence alors. Un travail qui pourra être vécu comme une découverte de soi, mais aussi, parfois, comme un travail de deuil, souvent douloureux.
Pour s’accepter, il n’y a pas de « recette miracle » : pour certains, ce sera naturel ; pour d’autres, ce sera beaucoup plus difficile. Tout dépend souvent de son éducation, de sa famille, de son milieu social, de son propre vécu, de la peur du regard des autres…
La question se pose parfois sur le mode d’une alternative existentielle : dois-je renier ma nature profonde sans m’affranchir des règles et des cadres qui sont aujourd’hui les miens pour conserver une vie convenable aux yeux des autres et de la société ? ou me faut-il au contraire renoncer à cette image que je me suis construite jusqu’à présent, conforme au modèle social hétérosexuel, aux désirs de mes parents, à l’idée que je me faisais de mon avenir ?
Chacun vivra ce questionnement différemment. Parfois, il restera latent et réapparaîtra en filigrane au fil des pensées et des années. Puis viendra un moment, un événement, une contrainte qui le rendra incontournable, vital. Peut-être un jour, devant le miroir, face à une réalité qui s’impose, ce questionnement me rattrapera : « Je ne suis pas moi-même, je joue un rôle. » On ne peut se cacher toujours la vérité à soi-même. Finalement, on est ainsi amené, petit à petit, à s’accueillir comme on est, à se voir en vérité, dans une certaine humilité.
S’accepter n’est jamais simple, car l’orientation affective engage bien au-delà de la simple question de la sexualité : se découvrir homosexuel implique de changer son regard sur sa vie entière. Mais si on passe sa vie sans reconnaître ce que l’on est, on passe à côté de quelque chose d’essentiel pour être heureux. C’est là un chemin sans doute exigeant, mais passionnant, qui amène à élargir son regard, à s’ouvrir aux autres en vérité et à appréhender le monde et finalement Dieu lui-même d’une manière nouvelle. En relisant la manière dont ils ont fait part de leur homosexualité à leur entourage, beaucoup de chrétiens ont eu la conviction que c’était leur foi dans le Christ qui les avait poussés à cette exigence de vérité.
Dois-je en parler à mon entourage ?
La question de ce qu’on appelle communément le « coming out » est importante. Loin d’être une manière d’afficher sa différence ou d’être une revendication, l’annonce de son homosexualité à ses proches constitue pour beaucoup une étape essentielle dans un travail de vérité avec soi. Parce qu’on aime ceux qui nous entourent, on a naturellement envie de leur partager ce qui est le plus intime de soi-même – mais ce n’est jamais une obligation.
Pour autant, cette annonce est loin d’être simple et elle suscite un certain nombre de questions. En premier lieu, on doit se demander ce qui nous pousse à vouloir être en vérité avec son entourage : est-ce pour soi ou pour les autres ? Car il y a bien deux « parties » en jeu dans cette révélation délicate.
Si c’est pour soi : est-ce pour être plus libre dans sa vie ? parce qu’on n’arrive plus à avancer tant qu’on n’a pas partagé ce qu’on vit avec ses proches ? pour pouvoir être en vérité avec les autres et ne plus avoir l’impression de mentir à ses amis, à ses parents ? est-ce pour se soulager d’un poids, quitte à le faire au dépens de son entourage, ou est-ce dans un réel esprit de partage ? Si c’est pour les autres : est-ce pour qu’ils puissent mieux comprendre ? pour leur manifester sa confiance et son affection ? pour ne pas leur manquer de respect ?
Il faut encore prendre en compte les conséquences pour soi et pour les autres d’une telle révélation. La confidence sera-t-elle accueillie favorablement et permettra-t-elle de nouer des relations plus vraies et plus profondes ? Risque-t-elle à l’inverse de compliquer encore plus la situation, d’être incompris et rejeté ? Tout dépend ici du contexte familial, amical, professionnel et de la nature de ses relations avec les autres, de l’ouverture d’esprit et de cœur de chacun, des a priori et préjugés possibles vis-à-vis de l’homosexualité… Il faut encore rappeler qu’un « coming out » trop précipité peut entraîner des situations graves : nombreux sont les cas de jeunes mis à la porte de chez eux par des parents incapables de comprendre. Il est parfois bon d’attendre que sa propre situation soit stabilisée, pour ne pas se retrouver dans une fragilité encore plus grande, voire dans la précarité. Si le dire aux autres risque d’entraîner de leur part incompréhension, jugement, rejet ou de créer des tensions importantes, il peut être alors préférable de ne pas parler. Dans ce cas, ce n’est pas mentir que de ne pas révéler son homosexualité.
Car pour les autres non plus, l’acceptation n’est pas simple. Si soi-même on a eu beaucoup de mal à s’accueillir, si on a été tenté de nier ou de fuir son homosexualité, il se peut qu’il en soit de même pour son entourage, qui, bien souvent, n’est pas préparé à une telle nouvelle. Il peut être important, avant de « se lancer », de se demander si l’autre est prêt à entendre cette annonce. Sinon, ce serait violer son espace intérieur. Il est encore possible de parler à certains qui sont prêts à entendre, mais pas à d’autres, qui ne sont pas encore capables de comprendre : cela est particulièrement vrai en famille. Dans certaines situations, il faut savoir accueillir le fait que son entourage ne sera peut-être jamais prêt à vivre avec une telle réalité et comprendre que c’est un bien que de ne pas leur en parler. En revanche, si cela permet de clarifier la situation, il peut alors être souhaitable de dire les choses. Et les réactions de l’entourage peuvent être tout aussi surprenantes dans l’autre sens : quoi de plus beau que d’entendre des parents dire à leur enfant qu’il reste le même pour eux, quoi qu’il en soit ? Le fait de parler à ses proches peut engendrer un approfondissement et un enrichissement dans les relations, être une source de dialogue, de partage et de confiance mutuelle.
De manière concrète, si l’on souhaite annoncer son homosexualité à ses proches, il convient d’abord de se demander comment soi-même on l’accueille, comment on l’intègre dans sa vie. Il s’agit de se connaître, de s’accepter, d’être en paix. Il faut ensuite trouver le bon moment, où l’autre est disponible pour écouter ce qu’on a à lui dire. Parfois, ce sont des circonstances qui vont nous amener à « passer à l’action » : parce que tout va bien et qu’on a trouvé enfin un certain équilibre dans sa vie, ou bien au contraire parce qu’on va mal et qu’on a besoin de se sentir compris et soutenu. Quoi qu’il en soit, la bonne attitude est certainement celle de l’humilité : en révélant son homosexualité, on n’a rien à prouver à l’autre, on n’a rien à lui imposer, on parle de son intimité, on lui confie quelque chose de soi. Parfois encore, la meilleure façon de vivre son homosexualité vis-à-vis de son entourage est de pouvoir être soi-même. Il y a des situations qui vont parler d’elles-mêmes sans qu’il y ait besoin d’une formulation explicite : lorsque deux amis sont continuellement ensemble depuis des années, l’entourage se rend bien compte de quelque chose, même si les choses ne sont pas dites. Il n’est pas toujours nécessaire de tout dire pour être compris.
Il peut enfin être bon de trouver une aide, pour ne pas affronter cette étape seul. Comme pour l’acceptation de soi, il est d’abord nécessaire d’avancer dans la prière et le discernement, aidé d’un accompagnateur si besoin. Commencer à échanger non pas d’abord avec un proche mais avec une personne extérieure peut aussi être une étape. Un groupe de parole peut également être un lieu qui permet de se dire et d’apprendre à accepter le regard des autres sur soi. Souvent encore, il est plus facile de parler de certains sujets avec les amis ou les frères et sœurs plutôt qu’avec ses parents : les enjeux ne sont pas les mêmes.
En fin de compte, que l’on dévoile ou non son homosexualité à ses proches, l’essentiel, c’est d’être en paix avec soi-même. Et quand bien même il en coûterait de ne pas pouvoir être en vérité avec les siens, il faut du moins l’être avec soi et devant Dieu.
Puis-je aimer en vérité une personne de même sexe ?
Quand on éprouve de l’attirance envers une personne de même sexe, il n’est pas toujours facile, du moins au début, de savoir de quoi il s’agit : est-ce une simple attirance physique, un désir purement sexuel, ou un sentiment plus profond ? Peut-on parler d’amour ? Qu’est-ce que je trouve en l’autre ? Est-ce un plaisir égoïste ? Est-ce de me trouver embelli dans le regard qu’il porte sur moi ?
Certains peuvent mettre en doute la possibilité d’un véritable amour entre deux personnes de même sexe. Des personnes hétérosexuelles se demandent ce qu’il peut y avoir de commun entre ce qu’elles-mêmes vivent en couple et ce que vivent deux personnes homosexuelles. Mais c’est finalement la même question que tout le monde se pose : quelle est la qualité de ma relation avec l’autre qui m’attire et pour qui j’éprouve un sentiment amoureux ?
Cette question n’est pas anodine. Elle exige de faire la vérité en soi, pousse le cœur et l’esprit à prendre le temps du discernement pour vérifier si l’objet de son désir est juste et bon. Enfin, pour le chrétien, de reconnaître, au cœur de cette humanité qui aime, l’incarnation du Christ. Tout comme Dieu devient chair et est en relation avec chacun de nous par la chair, ainsi, nous sommes capables d’entrer en relation par la chair avec un être, rencontre joyeuse qui nous apprend à aimer et à être aimés.
Peut-on vivre en couple homosexuel ?
Certaines personnes homosexuelles font le choix de vivre une relation avec une autre personne. Loin d’être une solution de facilité, cette vie de couple est un engagement exigent, appelé à être vérifié dans le temps.
Cela commence naturellement par l’attirance éprouvée pour l’autre, par un sentiment amoureux, et, s’il est réciproque, par les débuts d’une relation à deux. Au bout d’un certain temps, se pose la question de vivre en couple. Comme pour beaucoup, hétérosexuels ou homosexuels, se mettre en couple peut être, au départ, une décision plus ou moins réfléchie. En effet, on passe parfois assez vite à la relation de couple, sans toujours bien se connaître et sans avoir abordé avec l’autre certains sujets de fond, pourtant essentiels. Mais la vie et ses péripéties vont tôt ou tard confronter le couple à des questions qui vont lui permettre d’avancer et de grandir, voire de se séparer. Vivre en couple est un choix de vie qui doit être réfléchi, mûri et sans cesse renouvelé.
La vie en couple est source de joie, de bonheur et d’épanouissement. C’est aussi un engagement stable, des responsabilités et des devoirs. Il est nécessaire de prendre le temps d’écouter l’autre, de savoir lui exprimer ses propres besoins et désirs, de trouver des compromis, d’être patient, de traverser ensemble les épreuves et les conflits, de pardonner et de savoir demander pardon, de prendre soin de l’autre.
Le couple est amené à s’interroger régulièrement sur la qualité de sa relation et l’engagement mutuel qu’il prend. Vivre en couple, c’est avancer ensemble, partager la vie avec un autre, différent de soi, mais que l’on aime et qui va nous faire sortir de nous-même. C’est aussi partager des valeurs : l’engagement, la sincérité, la fidélité, la chasteté et le respect profond de l’autre, la responsabilité, l’ouverture aux autres.
Il est important pour le couple de se construire étape par étape, de prendre le temps de bâtir une relation solide et porteuse, qui tire chacun vers le haut. Construire la relation, c’est aussi inventer ensemble sa vie de couple : partager un projet, donner place aux activités de chacun, s’ouvrir aux autres. En d’autres termes, rendre sa vie féconde.
La fécondité du couple homosexuel est un sujet important qui ne se pose pas seulement en termes de fertilité. La fécondité trouve sa source dans le désir de chacun de s’épanouir à l’aune de l’amour donné et reçu.
La question de la sexualité participe de cet épanouissement. Comme tout couple, le couple homosexuel est appelé à une sexualité responsable, respectueuse et chaste. Aimer chastement c’est respecter profondément l’autre tel qu’il est, l’aimer pour lui-même, ne pas l’instrumentaliser, ne pas chercher à le posséder. La relation d’un couple homosexuel ne se réduit pas à la sexualité. Celle-ci y est présente, mais elle doit prendre sa juste place qui peut d’ailleurs évoluer avec le temps.
Dans le parcours d’un couple, il est parfois utile de demander une aide extérieure pour permettre de réfléchir, d’apaiser certaines tensions ou de régler certains conflits, pour avancer de manière éclairée. Un accompagnement spirituel peut également être approprié. Rencontrer et parler avec d’autres couples permet d’avancer grâce à leur expérience partagée. Ces aides et soutiens extérieurs sont probablement moins nombreux ou spontanés pour les couples homosexuels que pour les couples hétérosexuels, mais ils sont d’autant plus importants que l’homosexualité n’est justement pas « dans la norme » et que la société ou l’Église ne sont pas toujours là pour aider un couple homosexuel à se consolider et rester soudé.
Les proches (parents, amis) participent également à la construction du couple par la qualité de leur accueil. La manière dont deux personnes s’inscrivent dans la dimension sociale, amicale et familiale peut être déterminante pour le fonctionnement et l’épanouissement de la relation. C’est parce que le couple a été bien accueilli et respecté qu’il peut à son tour se tourner vers les autres et vivre son engagement d’une manière plus féconde.
Pour un couple homosexuel chrétien, la dimension spirituelle est essentielle. Elle permet de réfléchir sur la manière de cheminer ensemble, de prier ensemble, de s’engager dans l’Église, chacun ou en couple, enfin, de donner un sens spirituel à son amour.